Que faire au 2e tour de l’élection présidentielle ?

Au regard de la diversité des opinions progressistes qui se retrouvent dans La Fabrique et du rapport que nous cultivons avec la société civile et les alternatives citoyennes, cette tribune de Nicolas Hulot, parue dans Le Monde ce samedi 29 avril, nous semble constituer l’expression la plus proche de ce qui nous rassemble dans la situation aussi inquiétante qu’inédite qui ressort du 1er tour de l’élection présidentielle.

 

 

 

TRIBUNE.

Parce que j’ai la conviction que la solidarité doit être indivisible des valeurs de notre démocratie, qu’on ne peut pas en faire un tri sélectif, qu’elle doit s’appliquer à toutes et tous sans discriminations, et qu’une solidarité sans frontières est une condition nécessaire à la paix dans un monde qui déborde d’humiliation et de colère.

Parce que j’ai la conviction que rien ne pourra jamais justifier d’adhérer au repli sur soi, à la discrimination, à la stigmatisation inscrits dans l’ADN du Front national, à défaut de l’être dans celui de ses électeurs.

Parce que ce parti est aujourd’hui plus que jamais aux portes du pouvoir, porté par les conséquences dramatiques quoique banalisées d’une mondialisation sauvage qu’il exploite sans scrupule, je voterai contre Marine Le Pen. Je voterai sans hésitation pour Emmanuel Macron.

Lignes de fracture

M. Macron, ce vote de raison et de responsabilité au deuxième tour vous oblige plus qu’il nous oblige. Il ne s’agit en aucun cas d’un chèque en blanc et encore moins d’une adhésion sans réserve à votre projet, qui sous bien des aspects n’a pas pris la mesure de l’exigence de solidarité dans laquelle se trouvent le pays, l’Europe et le monde.

Ce projet est en première lecture trop souvent le prolongement d’un modèle économique qui n’est pas la pierre angulaire de la justice sociale et de la dignité humaine. La poursuite d’un jeu à somme nulle qui épuise les ressources, détruit la nature et concentre les richesses.

Un modèle qui semble préférer le libre-échange au juste échange, la croissance à la prospérité, l’écologie saupoudrée ici et là à l’écologie intégrale. Comme si la crise écologique ne conditionnait pas l’ensemble de nos choix économiques.

Ces derniers mois, j’ai choisi de faire campagne au sein de la société civile pour porter une vision intégrale des solidarités et en faire une matrice pour l’action politique et les choix économiques de demain. Seule cette exigence nous permettra de sortir par le haut des crises sociale, économique, écologique et démocratique qui se conjuguent pour mieux s’accentuer.

Le déficit de solidarité creuse les inégalités, fracture le pays, et alimente le discours et le programme du Front national. Les lignes de fracture sont palpables dès qu’on sort de Paris, et visibles sur la carte électorale.

Donner des gages

Aujourd’hui, Emmanuel Macron, vous ne pouvez pas prétendre devenir un président responsable et ignorer tous les laissés-pour-compte de la mondialisation. Pas plus que vous ne pouvez ignorer les 26 % du corps électoral qui ont choisi, au premier tour, la vision plus intégrale de l’écologie et des solidarités défendue par Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.

Vous voulez être le 7 mai celui qui aura le devoir de les représenter, ayez le courage de leur donner des gages aujourd’hui !

Engagez-vous à renégocier ou à défaut rejeter ces accords de libre-échange de nouvelle génération, et en priorité celui noué avec le Canada (CETA), qui sont l’expression la plus aboutie d’une mondialisation sauvage et dérégulée. Vous étiez le seul à les défendre parmi les onze candidats.

Ces accords ne doivent être pensés, négociés, signés, ratifiés qu’à la seule condition qu’ils soient au service de l’intérêt général et permettent d’accélérer la transition écologique et agricole, de lutter contre l’évasion fiscale et de promouvoir les droits humains ; à la seule condition qu’ils incarnent le juste échange.

Engagez-vous sur la mise en œuvre rapide d’une taxe européenne ambitieuse sur l’ensemble des transactions financières, y compris les produits dérivés. Cela fait des années que sa mise en place patine alors qu’elle permettrait à la fois une meilleure régulation de la finance en luttant contre les produits spéculatifs, et de dégager des recettes pour financer la lutte contre le changement climatique et en faveur de la solidarité internationale.

Entendre une société

Engagez-vous à faire de la Banque centrale européenne un organe au service d’une transition écologique juste partout en Europe en défendant un plan d’investissement massif dans les secteurs du bâtiment, des transports et dans la refondation de notre modèle agricole. Dans ce cadre, l’institution de Francfort pourrait financer directement les banques publiques à long terme et à taux zéro.

Engagez-vous à faire en sorte que les politiques publiques soient d’abord au service de la population, de sa protection, de son bien-être, de sa qualité de vie et non plus des grands lobbys industriels, énergétiques et agricoles.

Ce ne sont là que des exemples ; il y a tellement d’autres gages à donner sur la solidarité internationale, les migrations, l’évasion fiscale, les luttes contre l’exclusion et les discriminations, le handicap, la cause animale, la biodiversité, la transition énergétique, etc.

Vous qui souhaitez incarner le renouveau politique, vous avez le devoir d’entendre les aspirations et les inspirations d’une société désabusée mais pas résignée. A les entendre mais aussi à y répondre, et notamment à cet archipel de l’appel des solidarités, ces millions de praticiens discrets de la réconciliation et de l’apaisement qui peuvent utilement augmenter votre réalité.

Si vous pouviez vous connecter durablement à cette somme d’expériences, de compétences et de bon sens, nous aurions tous à y gagner. Si vous êtes prêt à trier entre ce qui creuse les inégalités et ce qui les réduit. Si vous êtes prêt à changer d’échelle et à avoir une approche systémique, cohérente et exigeante, alors les centaines de propositions de l’appel des solidarités sont en open source. Voilà comment, le 7 mai, vous pourrez peut-être prétendre représenter plus de 20 % du corps électoral. La balle est dans votre camp.

Nicolas Hulot (militant associatif)

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/29/nicolas-hulot-macron-un-vote-de-raison-pas-d-adhesion_5119838_3232.html#dDI2zlG0DE8fgJAv.99

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