Contribution sur l’OIN par Jean-Claude Pierre (Urbaniste)

Le 20 décembre 2013 l’Etablissement Public d’Aménagement en charge de l’Opération

d’Intérêt National Orly – Rungis – Seine Amont (EPA-ORSA) a signé, après « enquête publique » avec  l’Etat, les départements et les communes et leurs EPCI un Contrat de Développement  Territorial relatif aux GRANDES ARDOINES, à savoir Alfortville, Choisy le Roi et Vitry sur  Seine. Le Contrat de Développement Territorial ou CDT est une procédure mise en place par la loi du 3 juin 2010, la Région est consultée mais non signataire, visant au développement de la métropole et à la répartition de l’effort en logement.

Depuis sa création en 2007, il y a presque 7 années, plus d’un mandat municipal, que s’est-il passé ? Est-ce que l’intérêt national est aussi l’intérêt local ? Quel devenir pour ce projet ambitieux? Quelle gestion par et pour la ville ?

1) Très concrètement sur le territoire de Vitry concerné en première phase, (pour
simplifier le territoire compris entre la Seine, l’avenue L.Geffroy, les voies ferrées et le
quartier du Port à l’Anglais), 300ha soit 25% du territoire communal, rien n’est
visible, aucune réalisation n’est en cours, sinon un accroissement des friches.
Pourtant l’EPA emploie 45 personnes, réalise de très nombreuses études et a créé deux
ZAC sur notre territoire.

2) L’avancement de ces ZAC se limite encore à leurs périmètres, des programmes très
globaux en termes de m² de logements, d’activités et d’équipements et l’annonce le 5
décembre 2013, au SIMI, d’une consultation de 6 promoteurs pour la mise au point
des projets urbains qu’ils réaliseront, d’une part dans le secteur « Descartes » de la
ZAC Gare Ardoines, d’autre part dans le secteur « Seine – Cavell » de la ZAC Seine
Gare. M. le maire de Vitry, s’est réjoui du fait que « ce projet urbain va permettre de
réintroduire de la mixité dans la ville en mélangeant logements, lieux de travail,
commerces, services…ce qui favorise les échanges. Nous allons reconstruire la ville sur
la ville tout en assurant une réelle porosité entre les quartiers anciens et les quartiers
nouveaux. » Dommage que ce beau principe ne soit pas mis en œuvre dans l’urbanisation
médiocre et galopante de la RD5, cantonnée à du logement et quelques commerces de
pieds d’immeubles.

3) Le dépôt de carburants des Ardoines : son classement SEVESO interdit la construction
de logements dans son environnement, au cœur du plus important potentiel
d’urbanisation future, les emprises d’EDF comme celles de la SNCF étant jugées
excédentaires. La présence de friches et d’emprises faiblement occupées, avec le
départ du dépôt pétrolier sont censées offrir de grandes opportunités de construction
de logements et de bureaux. Le choix des Ardoines (au lieu de la gare de Vitry pour
créer un nœud du futur métro « Grand Paris Express) provient de cette analyse
Toutefois les propriétaires du dépôt pétrolier non nullement l’intention de déménager sauf
pour un site comparable et avec un financement public suffisant !
Ce site permet un approvisionnement très sécurisé (pipe-line, voie ferrée, voie navigable)
et une distribution rapide compte tenu de sa situation en zone dense de l’agglomération. Il
ne semble pas qu’un site comparable ait pu être trouvé.
Rappelons que les dépôts « TOTAL » d’Ivry et de Choisy le Roi, récemment supprimés,
ont été « remplacés » par des livraisons camions à partir de la raffinerie de Grandpuits,
considérés par la Direction Régionale de l’Equipement comme beaucoup plus polluantes
et dangereuses, compte tenu des kilométrages supplémentaires parcourus.
Rappelons également que l’OIN inclut Villeneuve le Roi avec une problématique
identique de déplacement de dépôts de carburant.
Toute la réalisation de la ZAC Gare Ardoines est liée à cette question.
Le SDRIF (si le Conseil d’Etat a maintenu cette rédaction) dit « Le maintien des capacités
de stockage de pétrole à Vitry sur Seine et Villeneuve le Roi est incompatible avec les
ambitions de développement urbain. Toutefois ces déplacements ne pourront être
envisagés qu’une fois validé le choix d’une nouvelle localisation plus adéquate. De plus
ils devront faire l’objet d’études spécifiques afin de permettre l’émergence de solutions
adaptées au maintien en zone centrale de ces équipements et de leurs réseaux
d’approvisionnement indispensables au fonctionnement de la métropole. »
Le CDT dit que « Le transfert du dépôt pétrolier est une obligation » et qu’il est recherché
une solution de portage de DUP d’expropriation par l’Etat, sa réimplantation n’étant pas
nécessaire compte tenu des autres installations existantes (lesquelles ?).
Donc la crédibilité de cette ZAC et son calendrier ne sont pas établis, loin s’en faut !
Il n’existe pas encore d’accord avec la SNCF sur les emprises ferroviaires dont la
reconfiguration est estimée à 40 millions d’Euros.
Le devenir de la centrale EDF fait l’objet d’un protocole d’études pour le démantèlement
de la centrale charbon (dés 2015 ?) et la construction sur un périmètre plus restreint d’un
nouvel outil de production (gaz ?).
Ces terrains sont largement pollués du fait d’anciennes décharges, de remblaiements de
cendres et de mâchefers.
De sérieuses craintes sont à avoir sur l’avenir d’un projet cohérent, utile à la commune et à
ses habitants et financièrement équilibré !
Nous en avons une manifestation en ce qui concerne le T.ZEN 5 qui doit relier la BFM à
Choisy le Roi via le futur boulevard urbain qui doit traverser le site EDF actuel dans le
prolongement de la rue E. Cavell. En 2009 ce sera avant 2020, fin 2013 le CDT dit « Le T
ZEN devra dans un premier temps emprunter un tracé provisoire sur le site du cœur des
Ardoines car les voiries de l’axe Nord – Sud ne seront pas livrées à l’échéance de 2020.
En effet EDF dispose sur le site d’une vaste emprise foncière et le reformatage de ses
activités est la condition de l’élaboration de cet axe. ».
Quel crédit peut-on accorder à la réalisation annoncée d’ici 2025, dans la ZAC Gare
Ardoines de 125.000m² de bureaux, 41.000m² d’activités, 85.000m² de logements,
8.000m² d’équipements et 18.000m² de commerces, c’est-à-dire environ 6.000 emplois et 3.000 habitants et suivant quelle cohérence ?

4) La grande Halle ferroviaire : En novembre 2009 était montré au public une superbe
image de synthèse de la halle réaménagée sur 4 niveaux avec cette légende : « La
grande halle accueillera la future station du métro automatique directement reliée à
celle du RER C et aux stations de TCSP, l’ensemble formant le pôle multimodal des
Ardoines. »
Sauf que pour une telle réalisation il aurait fallu déplacer la halle ou les lignes SNCF.
4 années plus tard le CDT retient que « Les anciennes halles ferroviaires pourraient accueillir à terme un pôle d’équipements répondant aux besoins des habitants et des salariés… Le volume de la grande halle autoriserait notamment l’installation d’un équipement public ou privé de rayonnement métropolitain ».
Il serait intéressant de connaître l’ensemble des dépenses inutilement réalisées !

5) Le collège du Port à l’Anglais.

Ce collège indispensable au quartier à brève échéance était programmé au cœur du
quartier actuel. L’implantation des bureaux du Groupe Casino et de leurs 1200 ( ?)
emplois étaient conditionnés à la disponibilité de ce terrain.
Par hasard, les parents d’élèves de Montesquieu ont pris connaissance de la nouvelle
localisation, en pleine zone industrielle, sur le quai J. Guesde, à l’angle de la rue B.
Albrecht, (terrain occupé par des stocks de palettes). La manifestation de leur inquiétude a
permis un rendez-vous où ils apprirent que le choix était irrévocable, les architectes étant
désignés et le collège devant ouvrir en 2016 (2017 suivant le dernier journal du canton),
mais tout serait fait pour une bonne accessibilité !
Un terrain adéquat est disponible à Ivry, au cœur du quartier du Port à l’Anglais, une
consultation des habitants aurait pu faire émerger une solution qualitative que la guéguerre inter municipalités ne permettait pas !
L’implantation de ce collège est la question la plus posée lors de l’enquête publique pour
la révision du PLU.

Réponses de la Mairie : « L’emplacement réservé…a été supprimé…car la nouvelle ZAC
Seine Gare…avait désormais vocation à prendre en charge la réalisation d’un collège..
Le choix de la localisation…et le dimensionnement ne dépendent pas que de la ville mais
également et surtout du Conseil Général ainsi que de ..l’EPA-ORSA. Le futur collège se
développera dans le cadre d’un projet…morceau de ville complète où toutes les fonctions
urbaines seront représentées et où la qualité de l’espace public… »
« Quant au collège.., il convient de rappeler que le choix…. fait vise à faire de cet
équipement un lien entre le quartier du Port-à-l’Anglais et le futur quartier des bords de
Seine. Sa localisation peut paraître excentrée dans le tissu actuel, mais il sera sous peu
une composante essentielle d’une nouvelle centralité en prise directe sur le nouvel axe
requalifié Berthie Albrecht porteur de la trame verte et bleue et assurant le lien entre la
Seine et la Gare, entre le nouveau parc habité des berges de Seine et le Port à l’Anglais. »
La question de l’implantation du collège n’a pas été évoquée en 2012, ni en 2013 au
conseil de quartier du Port à l’Anglais.
Dans la plaquette publicitaire de novembre 2009, la photo de maquette montre la
transformation en quartier d’habitat de tout le triangle entre l’avenue Allende, la rue Edith
Cavell et la Seine et une vaste zone tertiaire au long des voies SNCF.
Les quelques rares documents de la ZAC Seine Gare disponibles sur le site d’EPA-ORSA
montrent ce même dispositif urbain sur un périmètre plus restreint.
Par contre nous trouvons l’annonce publique, le 5 décembre 2013, par le Directeur de
l’EPA, en présence du maire, d’une consultation de promoteurs pour le secteur Seine
Cavell (cft 2).
Le Contrat de Développement Territorial, approuvé par le conseil municipal du 18
décembre (même séance que le PLU) et signé le 20 décembre nous apprend dans sa fiche
action 38 ce que doit être le secteur Seine Cavell (environ 4ha), périmètre incluant le futur
collège et initialement prévu en logement.
Cette action est inclut dans le chapitre « Développement économique ». Sa contribution au
projet de territoire : « Soutenir et encourager les filières présentes sur le territoire et les
PME/PMI….répondre aux enjeux de densification et de diversification de l’activité
économique. Encourager la logistique du dernier kilomètre..par l’offre de surfaces pour
l’accueil d’activités logistiques.. »
Sa description : « ..vocation à accueillir environ 75.000m² SHON dédiés aux activités
économiques…..plusieurs typologies de surfaces… : activités…logistique urbaine et
bureaux. …fort enjeu de relogement des entreprises locales. »
Précisions : « L’îlot Seine Cavell est jugé éligible dans le cadre du Programme
d’Investissement d’Avenir. Ainsi l’Etat pourra contribuer… .L’EPA ORSA travaille en lien
étroit avec la ville de Vitry sur Seine.. »
Le Conseil municipal a voté lors d’une même séance la même chose et son contraire !
Le collège sera loin des zones d’habitat, les accès se feront à travers des zones
d’activités à dominante de logistique, et pendant de nombreuses années à travers des
chantiers .

6) Histoire de PLU.
Ivry et Vitry ont révisé chacune leurs PLU au cœur d’une OIN.
Au niveau du quartier Port à l’Anglais, entre deux ZAC gérés par deux aménageurs
publics présidés par le même vice président du CG94, les projets ne se connectent pas, ni
au niveau des circulations, ni au niveau urbain.
A la suite des démarches de riverains et après avoir insisté, Ivry s’est engagé à organiser
une réunion publique conjointement avec Vitry au 1er trimestre 2012 : toujours en attente!
La création de la communauté d’agglomération est-elle susceptible d’un dialogue
intercommunal ?

7) FINANCES ?
Côté EPA, après les quelques premières années, les ressources pour investir, mais aussi
pour fonctionner, proviennent de sa production et de la vente du foncier. Pour payer le
personnel, un chiffre d’affaires minimum est indispensable. Avec le risque de vendre
n’importe quoi pour n’importe quel résultat : est-ce l’explication pour l’environnement du
collège du Port à l’Anglais ?
Le Directeur détient la quasi-totalité des pouvoirs, le C.A. ne délibérant, au-delà du budget
que de quelques questions !
Le Directeur ne traite pas des sujets externes aux ZAC et les conséquences de celles-ci sur
leur environnement ne l’intéresse pas.
Les conséquences pour les communes peuvent être très importantes, voir insupportables.
Vitry avait 83500 habitants en 2006, 90.000 aujourd’hui. Le CDT programme 760 lgts/an.
Avec 0,72% de la population francilienne, Vitry contribuera à 1,1% de l’effort de
construction et atteindra ainsi 103500 habitants en 2020. Pour la période 2006 – 2020 sont ainsi prévus 10500 actifs de plus et 9500 emplois.
Ceci paraît éloigné de l’objectif de rééquilibrage annoncé !

Quelle conséquence sur les équipements publics ? Peu d’éléments apparaissent dans les
ZAC et surtout pas sur leur mode de financement.
Certes Vitry est une commune financièrement relativement aisée, mais où trouver les
prévisions pour les années futures ?

8) Quel projet d’OIN avec quelles garanties ?
Quelles perspectives fiables de réalisation ?
Quelle gouvernance au niveau communal et au niveau intercommunal ?
Quel dialogue avec la population, avec les populations concernées ?
Quels financements avec quelles ressources ?

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