Nuit-Debout : il est permis d’espérer !

L’esprit et l’expérience Fabrique citoyenne Vitry en mieux inclinent immédiatement à ressentir une affinité, un cousinage, une complicité de fond avec Nuit-Debout. Quelle belle façon de remettre la politique au cœur de l’espace public, sans autre artifice que la parole quotidienne et multiple de celles et ceux qui se trouvent là…et s’y retrouvent, enfin, avec cette façon de faire. Contre la loi Travail -bien sûr-, pour la convergence des luttes et tellement d’autres choses qui toutes disent les blessures de notre société et l’espérance d’une autre vie.

Je suis donc allé à République, me suis assis parmi tant d’autres (de quelques centaines à plus de 3000 selon les soirs et la météo). Deux heures, trois heures, pour cet exercice d’Assemblée générale à ciel ouvert qui désarçonne tous ceux pour qui la politique c’est quand même plus sérieux que ça, plus convenu, mieux organisé… en un mot, l’affaire des professionnels de la politique, des appareils politiques, des pouvoirs et contre-pouvoirs institués.

Rien à voir avec ce qui se passe ici ! La place vibre de la jouissance d’une réappropriation heureuse, tranquille mais déterminée, sereine mais passionnée, mouvante mais organisée. Elle emprunte aux nouveaux modes d’organisation qui ont fleuri à travers le monde sur tant d’autres places. Il faut être au cœur de cette agora pour sentir combien ses « codes » participent du respect d’autrui, de l’égalité de traitement, de l’aptitude à débattre à nombreux et de tout.

La foule des présents approuve en levant et agitant les mains, demande de passer au point ou à l’intervenant suivant « en moulinant », indique ne pas comprendre l’orateur en se tapant du bout des doigts sur le crâne, considère que les propos tenus sont sexistes en formant un triangle avec les pouces et index des deux mains… Les temps de parole sont limités à 2 minutes et les discours langue de bois gentiment mais fermement chambrés. Chacun-e demande librement la parole en levant la main ou peut croiser les avant-bras pour manifester une « opposition radicale » à ce qui vient d’être dit. Cela ouvre un droit de réponse immédiat d’une minute qui doit forcément être accompagné d’une contre-proposition…

A côté de cette AG grand format, des cercles de discussions plus restreints de 15, 30 ou 50 personnes, sur les sujets les plus divers, et puis des animations artistiques, des espaces fabrication et invention de slogans, une cantine à prix choisis (tu donnes ce que tu peux), une infirmerie, une coordination de lycéens, le témoignage de sans papiers, d’un cinéaste, d’une madrilène de Puerta del Sol… Tout ça pendant que l’AG suit son cours, un peu chaotique, mais avec persévérance et, somme toute, une relative efficacité !

Quel heureux tumulte, quel bol d’air ! Voilà que Nuit-Debout s’ajoute et se mêle à Occupy et Puerta del Sol, aux Printemps arabes, aux contaminations virales des lanceurs d’alertes et activistes numériques… Une place de Paris et puis d’autres qui forment comme la cartographie d’un nouveau paysage, une friche féconde, un terrain d’investigation. Mais qu’adviendra-t-il ? Qu’est-ce que ça peut produire ? Que peut-on gagner ? Curieuses questions dans la situation ravagée et désespérante que nous vivons. C’est simplement là et maintenant qu’il est permis d’espérer, de croire en nous, d’exister ensemble.

Hugues L.

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